Sept secondes pour devenir un aigle, de Thomas Day

Day Thomas 7 secondes pour devenir un aigle

Lumière Noire a dit : « J’ai mes croisés, mes anges, et maintenant ma papesse… »

Une île du Pacifique à la fois tombeau de Magellan et unique territoire d’un arbre à papillons endémique…

Un homme au visage arraché par un tigre mais qui continue de protéger « la plus belle créature sur Terre », coûte que coûte…

Un Sioux oglala sur le chemin du terrorisme écologique…

Un trio de jeunes Japonais qui gagne sa vie en pillant la zone d’exclusion totale de Fukushima…

Des Aborigènes désœuvrés cherchant dans la réalité virtuelle un songe aussi puissant que le Temps du Rêve de leur mythologie…

Une Terre future, post-Singularité, inlassablement survolée par les drones de Dieu…

Après diverses hésitations, entre Laos, Thaïlande et Cambodge, Thomas Day a finalement posé son sac en banlieue parisienne, où il regarde pousser ses fils en menant de front sa carrière de romancier et ses activités d’éditeur. On lui doit quantité de nouvelles et une douzaine de romans, dont La Voie du sabre, L’Instinct de l’équarrisseur et Le Trône d’ébène. Le dernier d’entre eux, Du sel sous les paupières, est lauréat du Grand Prix de l’Imaginaire 2013.

Science-fiction, fantastique et uchronie… Thomas Day explore ici le rapport de l’homme à la nature à travers six plongées dans les marges du monde, de l’Asie à l’Amérique en passant par l’Australie. Sept secondes pour devenir un aigle est le troisième de ses recueils à paraître aux éditions du Bélial’.

Je ressors marquée de cette lecture…

Les nouvelles présentées dans ce recueil balaient un large de spectre de genres littéraires, et sont organisées par ordre chronologique. La première se déroule dans le passé, plusieurs dans le présent, les dernières dans le futur, et tiennent plus de la dystopie que de la science-fiction pure et dure.

Dans un premier temps, Thomas Day nous présente une vision de l’Homme et du monde bien trop défaitiste à mon goût. La nature va mal, et quelques êtres désespérés luttent contre les désastres écologiques. Tous sont issus de minorités annihilées par la civilisation occidentale et sont intimement persuadés que la destruction de la planète est inévitable. Ils sont donc des individus profondément désabusés, poussés au plus noir des désespoirs par la conviction que leur lutte est pire qu’inefficace : inutile. Quoiqu’ils fassent, ils ne changeront ni le monde ni les hommes. Ils ne peuvent qu’espérer laisser une marque indélébile dans les esprits qui peuplent la planète et courent à leur perte.

J’ai notamment été secouée par la tournure adoptée par la nouvelle Éthologie du tigre. Profondément anti-humanité, Shepard, le personnage principal, place la nature au-dessus de toute personne humaine. Un postulat qui s’oppose à toute mon éducation… Et pourtant, il existe des milliards d’êtres humains contre quelques milliers de tigres. Dans ces conditions, la position de Shepard ne se cautionne-t-elle pas ? Indéniablement, cela nous pousse à réfléchir.

La dernière nouvelle, Lumière Noire, s’est avérée être ma préférée pour l’éclairage nouveau qu’elle donne à l’ensemble du recueil. Elle a détrôné de peu la première, Mariposa, dont j’aimais le message porteur d’espoir sur l’amitié possible entre deux peuples ennemis. Dans Lumière Noire, l’apocalypse bat son plein. L’Homme n’a pas encore disparu, mais il n’en est pas loin. Et Thomas Day de souligner, encore une fois : n’est-ce pas pour le mieux ? La nature, libérée de la surpopulation humaine, revit et reprend ses droits sur la planète. Habituelles scènes de pillage, d’abus terribles. Le tout dans une atmosphère nordique glaciale et depuis le point de vue d’un personnage qu’on suit avec grand intérêt. Puis arrive l’explication de toute cette catastrophe. J’ai été prise au piège de cette histoire, terriblement visionnaire, réaliste aussi. On l’imagine très bien – même si à mon avis cette anticipation se base sur une vision bien trop dramatique des évènements contemporains (la crise de 2008 et Fukushima au premier plan). Et cette fin… Je ne vous spoile pas en disant qu’elle a renversé ma vision sur le recueil (m’en donnant une approche beaucoup plus positive), et qu’elle me fait encore énormément réfléchir, à l’heure où j’écris cette chronique.

Un petit mot de plus pour vous dire qu’hormis ce ton défaitiste, j’ai beaucoup aimé la plume ciselée de Thomas Day. Il prend des « risques » avec l’ouverture du recueil, qui est très rebutante. Mais cela ne dure que quelques pages, et lorsqu’on rentre dans le vif du sujet, c’est un vrai plaisir. Disons qu’il est heureux que je sois têtue, car lorsqu’on ne connaît pas l’auteur, on pourrait renoncer à poursuivre la lecture. Dans le reste des nouvelles, il crée avec finesse des atmosphères très visuelles qui m’ont énormément plu – aidé en cela des magnifiques illustrations d’Aurélien Police. Les personnages m’ont aussi complètement conquise : tous sont d’une grande profondeur.

En bref : Une excellente lecture – peut-être même un petit coup de cœur. Ce recueil m’a donné à penser, et une envie de renouer avec les écrits de science-fiction bien ficelés. Thomas Day est un auteur que je guetterai à l’avenir !

PS : d’ailleurs Lumière Noire a été offert illico à ma mère, grande amatrice devant l’éternel de science-fiction… C’est rare que je mette de force des livres dans les mains de ma famille, mais c’est arrivé avec celui-ci !

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