J’accuse

1893. Alors que la France et la Prusse sont à couteaux tirés depuis plus de 20 ans, un officier français est arrêté, dégradé, et envoyé au bagne pour espionnage militaire en faveur de l’ennemi. L’opinion publique se déchaîne contre lui : le traître est Juif. Sa culpabilité ne fait aucun doute, malgré ses protestations éhontées.

1895. Le lieutenant-colonel Picquart prend la direction des services de renseignement de l’armée. Il arrive dans un bâtiment sombre à l’activité opaque. Les officiers placés sous ses ordres refusent de lever le voile sur les mystères de l’espionnage militaire français. Pourtant, Picquart impose son autorité et finit par mettre la main sur des lettres compromettantes. Elles indiquent qu’un autre officier espionne pour le compte des Allemands. La conviction de Picquart est ébranlée : et si Dreyfus était innocent ?

Histoire connue et même archi-connue traitée par le célèbre et contesté Roman Polansky. Restée imperméable aux débats concernant le caractère moral de son réalisateur, j’ai été voir ce film par passion juridique. L’affaire Dreyfus est en effet l’une des plus grandes et plus passionnantes sagas politico-juridiques de l’histoire française. Cependant, j’ai été déçue par J’accuse, et cela dès la première scène.

Cour des Invalides, reconstituée par ordinateur. Milliers de soldats au garde à vous, reconstitués également. J’ai trouvé ces images retouchées d’une laideur sans pareil. Mais pas une laideur artistique, non, juste la laideur des petits moyens où l’on n’obtient pas l’autorisation de tourner dans les lieux mêmes. Malheureusement, l’artifice se voit comme le nez au milieu de la figure.

Arrive Dreyfus, au pas, tremblant d’une émotion visiblement violente, mais qui m’a laissée de marbre. Je n’ai pas été convaincue par le jeu de l’acteur (Louis Garrel). Le contexte aussi, n’invitait aucunement à l’émotivité, avec son faux décor évident et l’atmosphère lugubre à outrance. Puis zoom sur le capitaine Picquart, qui regarde, impassible, le pauvre Dreyfus être humilié devant l’ensemble des militaires de la capitale. Ses voisins par contre, haut-gradés des renseignements, redoublent de ricanements et commentaires antisémites. Le cadre est posé.

Suit la reconstitution minutieuse de l’affaire Dreyfus ; l’instruction à charge, la déportation, les doutes grandissants de Picquart. Le déroulé est fluide et se suit bien, la description de cet enchaînement est très pédagogique.

Je me serais volontiers passée des phrases à « roulement de tambour », qui figuraient toutes dans la bande annonce. Ces locutions spectaculaires étaient grandiloquentes et excessives. La plus ridicule est celle de Zola, cadré en grand plan, discutant avec Picquart qui explique qu’en tant que militaire, il ne peut s’exprimer publiquement. Et l’écrivain de répondre : « Non. Mais moi je peux ». Alerte caricature. Tant de subtilité me sidère.

Autre sujet de grogne : la musique (Alexandre Desplat*). Plate & inintéressante, venant maladroitement souligner un ou deux passages clefs de crescendi patauds. Décevant, sûrement l’un des facteurs qui fait que l’on se désintéresse du film.

Seul point positif dans cette débauche de critique : la reconstitution des décors & costumes. La Cour des Invalides et le bâtiment accueillant la section des statistiques mis à part, c’était très bien fait. Belle attention au détail.

En bref : mis à part l’admirable prestance de Jean Dujardin dans son uniforme militaire, les belles robes des dames et l’aspect délicieusement rétro des intérieurs d’appartement, il n’y a pas grand-chose à retenir de ce film…


* Je suis d’autant plus déçue que j’ai adoré le travail de ce compositeur dans les deux derniers volets d’Harry Potter.