Le Prieuré de l’Oranger, par Samantha Shannon

Voici quelques mois que le titre de ce volume résonne sur la blogosphère. Du coup, lorsque la communauté livraddicticienne l’a choisi comme objet du club de lecture d’août, ni une, ni deux, j’ai sauté sur l’occasion !

Malheureusement, le roman n’a pas tenu les promesse mirifiques du personnel chargé de le promouvoir et je ressors de ma lecture mitigée.

Ce livre souffre en effet d’un défaut majeur et irrémédiable : ses personnages sont mal construits. Je m’explique : leurs comportements ne correspondent pas à la personnalité ou aux convictions qui leur ont été attribuées. Avouez que c’est ballot ! A titre d’exemple, Ead est décrite comme une espionne perspicace et guerrière d’élite, mais ne réussit jamais à tenir sa langue et multiplie les faux pas à la Cour devant la reine et ses suivantes, dès le début du livre. Par souci de ne pas divulgâcher l’intrigue je ne donne pas d’autre exemple (si vous êtes curieux nous en avons discuté lors du club de lecture sur L@), mais il y en a un certain nombre.

Je trouve donc que de ce point de vue, les personnages manquent de cohérence et c’est très dommageable à l’intrigue. Leurs réactions paraissent souvent ridicules au regard des circonstances ou de ce que l’on sait d’eux. Leur comportement semble destiné à faciliter le travail de l’autrice en lui permettant de faire avancer l’histoire comme elle le souhaite et en écrasant certaines difficultés.

C’est d’autant plus regrettable que le roman avait par ailleurs beaucoup de potentiel. J’ai assez aimé le monde créé par Mme Shannon, avec ses relents de Moyen Orient et Extrême Orient plutôt dépaysants. De plus, ses efforts pour produire une œuvre non sexiste qui mette en exergue des personnages « sortant du lot » sont palpables et appréciables. Les thèmes abordés par l’intrigue sur la tolérance religieuse ou la foi aveugle en des évènements historiques liés au « dieu » révéré avaient le potentiel d’être passionnants.

Malheureusement, à mes yeux il s’agit d’un potentiel seulement effleuré. L’autrice a échoué sur l’écueil du livre unique en fantasy. Réussir à créer un monde exotique et cohérent, avec des personnages intéressants et une intrigue palpitante en un seul volume est en effet une gageure. Cela se sent bien avec toutes ces qualités qui ne suffisent pas à rendre le roman convainquant, avec tous ces raccourcis dans l’intrigue ou ces passages clefs trop vite finis. Une illustration parlante : le faible rôle des dragons de l’eau, alors que je suis sûre que quantité de lecteurs ou lectrices attendaient avec impatience de les voir apparaître !

En bref : il y a des qualités et du potentiel, mais un manque de maturité dans l’écriture des personnages et trop peu d’approfondissement de l’intrigue et du monde créé. Je vais néanmoins noter le nom de l’autrice dans un coin de ma petite tête pour rejeter un œil à ses œuvres d’ici quelques années !