D’après une histoire vraie, par Delphine de Vigan

Delphine de Vigan raconte sa propre histoire : la rencontre qui lui a fait perdre son pouvoir d’écriture. Elle replonge dans ce cauchemar tragique pour raconter au lecteur, pas à pas, cet événement qui l’a ébranlée jusqu’au tréfonds.

Le roman se présente d’emblée comme hautement personnel. Il raconte les émois d’une autrice, sa difficulté pour faire face à son public, l’épuisement nerveux que cela suscite chez elle. Difficile à admettre pour un auteur à succès ! Comment se plaindre de la réussite ?

Cette faille dans l’armure de la personne publique qu’est Mme Delphine de Vigan constitue la prémisse nécessaire au reste de l’histoire. Elle raconte comment, petit à petit, elle est tombée sous l’emprise de L.

D’emblée, j’ai beaucoup aimé que cette initiale soit un homophone du pronom personnel. Cela rend ce personnage d’autant plus mystérieux et menaçant, comme un Elle majuscule.

La description de la manipulation croissante est fascinante. Le malaise augmente, étape par étape, sans que L. n’aille jamais trop loin, ne dépasse jamais le seuil où sa proie se poserait des questions. Le récit de cet enfermement progressif, de cette prise de possession totale est profondément gênant.

Tout cela est accompagné de nombreuses réflexions sur le processus d’écriture. Sur l’acte de création mené par les écrivains. L. a des idées bien arrêtées sur le sujet et veut amener sa proie à les mettre en pratique dans son œuvre. Grosso modo, la question est : dans quelle mesure la vraie littérature doit-elle être basée sur le réel ? La chose revient tout au long du livre, c’est la confrontation de deux conceptions antagonistes. L. est convaincue que seul le réel peut fournir une matière intéressante au romancier, tandis que Mme de Vigan soutient que tout récit « réel » comporte une part de fiction et vice versa. C’est le principal point d’achoppement, le seul domaine où l’autrice continue de se débattre contre l’emprise de sa tortionnaire.

J’ai beaucoup aimé l’aspect psychologique du roman, les ressorts décrits par l’autrice concernant tant sa propre psyché que celle de son bourreau. Cela donne une profondeur supplémentaire à l’ensemble de l’histoire. La fin prend par surprise, éclaire d’une lumière nouvelle le reste du livre, ce qui est à mes yeux gage de qualité. On continue à y réfléchir longtemps après l’avoir refermé.

Seul bémol : quelques longueurs, tant sur les questions littéraires que sur lesdits ressorts psychologiques. Pendant ma lecture, j’ai pensé à plusieurs reprises « bien, j’ai saisi l’idée, on peut passer à la suite ? ». Peu flatteur, je sais.

En bref : malgré quelques longueurs, un roman de grande qualité, à la profondeur admirable.

Laisser un commentaire