L’épée de Shannara, par Terry Brooks

Flick et Shea Ohmsford vivent dans un paisible village reculé. L’existence sans histoire des deux frères est brutalement mise sens dessus dessous par l’arrivée d’un inconnu qui prétend être le mythique aventurier Allanon. Celui-ci annonce à Shea qu’il est le dernier descendant d’une longue lignée de rois et qu’il est le seul en mesure de vaincre le Mal ancien qui s’est réveillé, loin au nord, et menace tous les Hommes.

Don de ma très chère MJ qui pour désencombrer sa bibliothèque, est venue saturer la mienne. Ayant récupéré la quasi-totalité de l’œuvre de M. Terry Brooks, en langue originale, je me suis fait un devoir d’entamer la lecture de ses multiples sagas par le tout premier opus publié, l’épée de Shannara.

A mon grand regret, je conclus à la déception. Voire à l’immense déception. Pourtant, d’entrée de jeu, j’étais toute prête à adorer. Je me déclare fan de la plume de M. Brooks, extrêmement fluide, avec un vocabulaire juste assez désuet pour planter un décor. J’ai apprécié les descriptions, très bien dosées.

Mais… c’est bien la seule chose qui m’ait convaincue. Les péripéties sont toutes plus prévisibles les unes que les autres, beaucoup trop familières pour l’avide lectrice du Seigneur des anneaux que je suis. Flick à la place de Samwise, Shea comme Frodon, sans oublier Allanon en Gandalf et Balinor comme Aragon, Menion comme Boromir, et je m’arrête là sans vous parler de l’elfe Gimli (oui, vous lisez bien, ici Gimli est un elfe et non un nain). Beaucoup, beaucoup des évènements sont tout aussi transposables que les personnages.

Un autre point m’a horripilée et définitivement dressée contre ce premier opus. C’est l’absence totale de femme. Franchement, construire un monde unisexe pendant 725 pages, c’est une sacrée performance. Il y a, en tout et pour tout, deux individus de sexe féminin mentionnés nommément dans cet opus. L’une parce qu’elle est promise à l’un des membres de la Communauté de l’Anneau. J’insiste, cette demoiselle est uniquement mentionnée par deux fois dans l’ouvrage. L’autre apparaît effectivement dans l’histoire parce qu’elle est une demoiselle en détresse à sauver et l’intérêt romantique de son sauveur, autre membre de ladite Compagnie.

Citation à l’appui :

« she seemed small and vulnerable as she waited beneath the massive beams of the high entryway, her face beautiful and anxious. No wonder Palance Buckhannah wanted this woman for his wife »
Traduction maison: « elle semblait petite et vulnérable pendant qu’elle attendait sous les énormes poutres du hall d’entrée, son beau visage anxieux. Pas étonnant que Palance Buckhannah veuille cette femme pour épouse » (p.470).

Alors je sais pas vous, mais choisir une femme parce qu’elle est petite, vulnérable, belle et angoissée, ça me paraît autant de critères douteux. Et ce caractère unisexe se retrouve dans tout le vocabulaire employé : on nous parle d’hommes, de l’âge d’homme et non de l’âge adulte, du péril qui menace les Hommes et non l’humanité, et j’en passe.

C’est du reste un défaut récurrent dans ce roman. On ne nous décrit que des guerres et des forteresses. Des exploits héroïques de chefs de guerre. Et c’est tout. Rien n’est dit sur une quelconque culture commune, aucun art, aucune poésie, aucune musique, rien ! Même les constructions décrites sont toujours au service de la guerre, sans aucune place à la beauté. Voilà un monde bien machiste. C’est ce qui me fait conclure que l’univers construit par M. Brooks apparaît extrêmement lacunaire, superficiel.

Peut-être ce dernier défaut trouve-t-il remède dans les livres suivants ? Je ne suis pas sûre d’avoir le courage d’aller vérifier, même s’ils sont tous dans ma bibliothèque.

En bref : très déçue par cet ouvrage qui présente à mes yeux plusieurs défauts rédhibitoires, et pas assez de qualités pour les compenser.

Test de Bechdel-Wallace :

  1. Avoir au moins deux femmes nommées : 0 (ok, je suis un peu de mauvaise foi, parce que je considère qu’entendre parler deux fois en 725 pages d’un personnage qui n’apparaît pas physiquement et ne joue aucun rôle dans l’histoire ne compte pas)
  2. Qui parlent ensemble : 0
  3. Qui parlent de quelque chose qui est sans rapport avec un homme : 0

Verdict : Magnifique zéro pointé pour un roman qui souffre de manière plus qu’évidente d’un syndrome aigu de la schtroumpfette. Voilà le pauvre M. Terry Brooks habillé pour l’hiver. Bonjour chez vous.

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